PUBLIÉ LE 01/05/2015 PAR COURIER PICARD
MIS A JOUR PAR LA MDJ
Propos recueillis par Daniel Muraz

En ce 3 mai, « journée mondiale de la liberté de la presse », zoom sur une action plus méconnue, celle de la Maison des journalistes, qui accueille ceux contraints à l’exil. Rencontre avec son président, Christian Auboyneau.

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CACela fait 22 ans que le 3 mai est officiellement « journée mondiale de la liberté de la presse » pour l’ONU. Et trente ans que l’association Reporters sans frontières a vu le jour à Paris pour accompagner cette défense de la liberté d’expression. Une cause plus que jamais d’actualité. En 2014, 118 journalistes ont été assassinés dans le monde. Et, depuis le 7 janvier, on sait que même au cœur de Paris, la liberté d’expression peut être attaquée à la kalachnikov. Mais ces menaces mortelles sont le quotidien des journalistes dans bien des pays. Contraints parfois à l’exil. Depuis 2003 a été imaginée une structure unique au monde pour accueillir et protéger les journalistes ayant dû quitter leur pays : la Maison des Journalistes . Rencontre avec son actuel président, Christian Auboyneau (journaliste et producteur de documentaires télévisés).
Christian Auboyneau, comment est née la Maison des Journalistes ?
Un jour, en 2002, Danièle Ohayon, journaliste médias de France info, abordée dans la rue par un SDF s’est rendu compte qu’il s’agissait d’un journaliste réfugié et sans papiers. Avec le collègue et réalisateur Philippe Spinau, elle s’est dit qu’il n’était pas possible de ne rien faire pour ces journalistes en danger. Ils ont créé un centre d’aide, à Bobigny. Ensuite, c’est Bertrand Delanoë, alors maire de Paris, qui a donné les locaux d’une ancienne usine – pour l’anecdote, on y fabriquait des brosses à reluire ! Aujourd’hui, nous disposons donc d’un grand local, avec 14 chambres pour des journalistes réfugiés politiques du monde entier.

Qui finance une telle structure ?
C’est important de le souligner, la Maison est financée à 50 % par les grands médias français (les grandes chaînes de télévision, des groupes de presse régionaux comme Ouest France ou la Voix du Nord, des sites comme Médiapart, etc), plus des financements européens ou d’organismes étrangers dédiés au journalisme. Et des dons comme toute association humanitaire. Mais c’était la volonté que ce soient des médias qui, majoritairement, contribuent à cette solidarité, qui rappelle le cœur de notre métier.

Combien de journalistes en exil ont été accueillis depuis 2002 ? 
Plus 300 personnes, d’à peu près 60 nationalités différentes. Et cela reflète la situation géopolitique de la planète du point de vue des droits de l’homme et de la liberté de la presse. À un moment, il y a eu pas mal de Birmans, par périodes beaucoup d’Africains. Et aujourd’hui, des Syriens.
Quelle est votre action, au quotidien ?
Nous avons une triple mission. L’accueil et la protection, d’abord. Nous hébergeons pour une durée de six à huit mois ceux qui ont eu la chance d’arriver en France et qui nous ont été signalés par RSF, France Liberté, etc. Ils sont nourris, logés, on leur donne un statut de réfugié politique. La deuxième action, c’est celle de sensibilisation des publics, notamment jeune. Nous le faisons à travers notre action « Renvoyé spécial » : nos résidents vont témoigner, concrètement, des restrictions de la liberté d’expression auprès des collégiens ou lycéens, ou parfois auprès des enseignants, comme ce fut le cas en avril à Amiens. Et depuis les attentats de Charlie, les demandes des professeurs et responsables d’établissements sont en très forte hausse. Par manque de moyens, nous ne pouvons pas répondre positivement à toutes ces demandes. Enfin, la Maison des Journalistes a une vocation de réveil des consciences. C’est ce qu’on fait avec l’exposition de Muzaffar Salman ou, en 2016, avec un colloque de deux jours dans l’auditorium de Radio France. pour mobiliser des personnalités, faire parler.

Alep vu du Point Zéro
Témoin de l’actualité et reflet de son action, la Maison des journalistes accueille, du 5 mai au 15 septembre l’expo photos « Alep Point Zéro », du Syrien Muzaffar Salman (entrée libre, du lundi au vendredi de 10 à 18 heures). 75 vues illustrant la rencontre entre le photographe et les résistants d’Alep, réunis dans ce point zéro formé par le réseau d’excavations creusé pour réunir les diverses maisons de la ville. Né en 1976 à Homs, Salman, qui a couvert la guerre pour des agences comme Associated Press ou Reuters. Emprisonné à cause de ses photos, échappant de peu à l’État islamique, il a fui la Syrie et a été accueilli l’an passé à la Maison des journalistes.

Interview de Muzaffar Salman, photojournaliste syrien
مقابلة مع المصور الصحفي السوري مظفر سلمان

Réalisation : Lisa Viola Rossi
Sous-titrage : Nahed Badawia et Mahmoud El Hajj
© Maison des journalistes, 3 mai 2015
إخراج ليزا فيولا روسي
الترجمة ناهد بدوية- محمود الحاج
بيت الصحفيين ٣ أيار ٢٠١٥

 

Muzaffar Salman, photojournaliste syrien présente « Alep Point Zéro » Exposition photographique
مظفر سلمان
المصور الصحفي السوري
يقدم
 » حلب نقطة الصفر »
معرض تصوير فوتوغرافي

Réalisation : Lisa Viola Rossi
Sous-titrage : Nahed Badawia et Mahmoud El Hajj
© Maison des journalistes, 3 mai 2015
إخراج ليزا فيولا روسي
الترجمة ناهد بدوية- محمود الحاج
بيت الصحفيين ٣ أيار ٢٠١٥

Resistência contra a censura: casa em Paris oferece asilo para jornalistas refugiados
Vítimas de perseguição em seus países tentam reconstruir carreira

Article paru dans Oglobo.com par Fernando EICHENBERG, le 22 février 2015

Résistance contre la censure: une maison à Paris offre l’asile aux journalistes réfugiés
Victimes de persécution dans leur pays tentent de reconstruire carrière

Traduction du portugais au français par Frédéric ROY et Manuel DOS SANTOS 

oglobo
PARIS – L’immeuble du 35 de la rue Cauchy, au coin de la rue Saint Charles, dans le sud-ouest de Paris, est la maison de locataires atypiques. Tous ses résidents sont des journalistes en exil, ayant connu menaces, harcèlement, emprisonnement ou torture dans leur pays d’origine. La « Maison des Journalistes » se revendique comme le seul endroit au monde, qui depuis 2002 accueille les réfugiés des médias et les aide à démarrer une nouvelle vie à l’étranger.
La directrice de la maison, Darline Cothière, a elle-même fuit Haïti. Elle est fière de ce lieu mais regette :
– Malheureusement, cette maison ne fermera pas ses portes de sitôt compte tenu de la quantité de journalistes du monde entier qui ont besoin d’un refuge – dit-elle assise dans son bureau du rez de chaussée.
Avec deux étages, un sous-sol et une mezzanine pour une surface d’environ 750 m², la « Maison » dispose de 15 chambres disponibles. La période de séjour varie de six à huit mois, soit la possibilité pour ces journalistes d’obtenir les documents nécessaires et un hébergement de substitution. Les locaux sont mis à disposition par la Mairie de Paris, et environ 350 000 € sont nécessaires à l’entretien de la maison, à l’aide matérielle aux journalistes. Ces fonds proviennent principalement des dons des médias français et du fonds européen pour les réfugiés.

Depuis trois ans, nous recevons principalement des Syriens. Les demandes d’hébergement sont un genre de baromêtre, ils révèlent les zones de conflit et la situation de la presse dans le monde. Il y eu une vague d’Afghans en 2010-11, Plus tôt c’étaient des Irakiens. Nous recevons des Iraniens, des bengalis, des Tibétains. Les journalistes Africains sont également nombreux, des Zambiens, des Rwandais, des Congolais, des Guinéens sont passés par la Maison et puis des Cubains, des Haïtiens des Argentins, un Colombien et un Vénézuélien pour le continent américain,. Les Chinois sont peu représentés parce qu’ils sont très contrôlés, ils sont bloqués et ne peuvent pas quitter le pays – dit la directrice.

Entre Assad et l’État islamique

 Le photojournaliste Muzzafar Salman, 38 ans, originaire de la ville syrienne de Homs, a atterri à la « Maison » en Avril de l’année dernière. Il avait collaboré avec les agences Reuters et Associated Press. Il a publié ses travaux dans les journaux syriens durant toute l’année 2013, il a photographié depuis le front la ville d’Alep, l’un des principaux théâtre de l’affrontement entre rebelles syriens et forces gouvernementales.

– Nous sommes habitués au danger. Au début de la révolution, les risques étaient normaux. Mais quand vous voyez des djihadistes vouloir vous enlever et vous tuer, c’est différent. En Octobre 2013, l’État islamique a essayé de me kidnapper, mais les rebelles m’ont protégé et m’ont sauvé. Après cela, j’y suis retourné plus de cinq fois, avec l’appareil caché mais il était devenu très facile d’être enlevé, et j’ai décidé de fuir.
Salman s’est rendu au Liban avec sa femme et a demandé l’asile politique à l’ambassade française. Sa maison a été détruite à Damas. Dans la capitale syrienne, il avait déjà été emprisonné pendant cinq jours à cause des photos de manifestations dans les rues, quatre mois après le début du conflit. Ecarté en 2011 du journal « Al-Watan », où il a dirigé le département de la photographie, il envoyait parfois son travail à Associated Press mais sans le signer pour éviter les menaces.

– J’ai des amis à Alep qui ont été enlevés par l’EI et je ne les ai pas entendu depuis. J’ai perdu un très bon ami, artiste, décédé en prison à Damas. Premièrement, les autorités ont appelé ses parents, mais sans communiquer quoi que ce soit. Ils étaient heureux parce qu’ils pensaient que leur fils serait libéré. La mère a préparé un repas spécial ce jour-là et a acheté de nouveaux vêtements pour lui, mais quand ils sont arrivés à la prison ils ont découvert que ce était pour récupérer le corps. Ça a été un moment d’une cruauté extrême- conte-t-il.
Même limité dans ses déplacements, la photographie n’est pas sortie de sa vie quotidienne, et en Avril la « Maison » organisera une exposition de 70 de ses photos des affrontements à Alep.
– Je continue à travailler. Photographe tous les jours, je mène un projet avec des familles de réfugiés syriens en France. Mais ce dont nous avons besoin, c’est de mettre fin à cette guerre, pour arrêter ces décès – ajoute-t-il.

Au sous-sol, Sirine Ameri, 22, assiste à un cours de français. D’origine tunisienne, elle a travaillé comme journaliste de télévision en Libye. Ses problèmes ont commencé en 2014, alors qu’elle collaborait avec la rédaction arabe de France24, quand elle a commencé à recevoir les menaces répétées de la milice islamiste Fajr-Libye. Le 17 Novembre de l’année dernière, elle a subi un interrogatoire de 4 heures avec les services de renseignement du pays.

– Il n’y a pas de liberté d’expression en Libye. Les milices islamiques attaquent tout le monde. Le Fajr-Libye m’a envoyé une lettre de menaces. J’ai fait une demande d’asile ici parce que je ne voulais pas rester et mourir – dit-elle. – Je ne veux pas vivre dans un pays islamique ou en conflit permanent et je veux retourner au travail. Mais la chose que je désire avant tout est de vivre.

 

 

Projet par le gouvernement de la Guinée
La trajectoire d’Alareny Baillo Bah, 36 ans, de Guinée, n’est pas très différent dans son essence. Journaliste de la Radio Télévision de Guinée (RTG), réseau national du pays, il a été menacé et brutalisé à maintes reprises en révélant des informations compromettantes et incriminant le pouvoir en place, lui est réfugié en France depuis Juin 2014.
Destiné à travailler comme détaché au ministère de l’Énergie, il n’a pas été effrayé de signaler les irrégularités dans les contrats d’appels d’offres publics pour les barrages hydro-électriques et les achats de matériaux de construction dans le pays.
Les médias privés ont commencé à m’interviewer. Le ministère m’a écarté et j’ai été déclaré persona non grata. J’ai commencé à recevoir des menaces écrites et téléphoniques. J’ai été attaqué à plusieurs reprises par des groupes armés, ils me déshabillaient et me battaient. Une autre fois, dans une poursuite, ma voiture a été volontairement accidentée, des coups de feux ont été donnés. C’est à ce moment que j’ai réalisé qu’il fallait fuir.
Aujourd’hui, il collabore avec le blog « L’œil de l’exilé », publié par la « Maison », et participe également au programme « renvoyé spécial » où il anime des réunions avec des lycéens pour raconter son histoire. Musulman et religieux, il a participé à la grande manifestation contre les récentes attaques terroristes à Paris.
– La liberté d’expression en Afrique n’existe que lorsque vous soutenez le gouvernement. Si vous êtes contre, vous êtes une cible et abattu. Je suis journaliste, je l’ai toujours été et je ai peur de rester ici et travailler comme ouvrier, charpentier, chauffeur ..

MHOFRencontre avec le journaliste Mohammad ALHAMADI (Syrie) au Lycée Lavoisier / Mayenne (Nantes / Pays de la Loire), le jeudi 5 février 2015.

Cliquez ici pour lire Le Courrier de la Mayenne, le jeudi 12 février 2015

Cliquez ici pour lire l’article paru dans Ouest France, le mercredi 11 février 2015 

MHlecourrier

 

Fidel Castro. L’album photos.
Par la rédaction du journal L’actu – La table ronde

La colère de l’exilé – Histoire de Jesús Zúñiga, journaliste cubain ancien résidente de la Maison des journalistes

« Pour avoir voulu informer les gens, c’est-à-dire » être journaliste, je suis un « dissident », un « ennemi de la révolution » : voilà le prix à payer à Cuba.» Le prix pour Jesús Zúñiga, aujourd’hui exilé en Franc, c’est de n’avoir vu ni sa femme ni sa fille depuis 2006. De ne leur parler au téléphone que «cinq minutes avant que les autorités cubaines ne coupent la ligne ».

Cliquez ici pour télécharger et lire l’article.

jesus zuniga