Interview à Diane Hakizimana, journaliste burundaise mariée à un opposant, réfugiée en France.
Propos recueillis par Émilie GINESTOU
Publié par Ouest-France, le 30-31 janvier 2016

Diane HakizimanaDes opposants sont tués quotidiennement dans la capitale, Bujumbura, alors que le président Pierre Nkurunziza tente d’écraser ceux qui contestent son maintien au pouvoir.

Comment percevez-vous la situation au Burundi ?
De manière très pessimiste. Je ne vois pas d’issue. On retrouve des corps tous les jours, des jeunes sont torturés. Les forces de police et la justice
sont liées au pouvoir. Il n’y a pas d’espoir de liberté dans ces conditions.
Le noeud du problème, c’est le troisième mandat du président, Pierre Nkurunziza (au pouvoir depuis 2005 et réélu en 2015). Au Burundi,
un troisième mandat est anticonstitutionnel.
En 2010 déjà, sa réélection était très contestée. Plus il avançait dans son second mandat, plus il préparait le terrain pour un troisième. Il a commencé à faire taire les médias, des gens disparaissaient. Il était prêt à tout pour s’installer au pouvoir ; il est prêt à tout pour le garder.

Glisse-t-on vers un génocide?
Le terme n’est pas tout à fait exact, même si je comprends les inquiétudes de la communauté internationale, qui a en mémoire le Rwanda.
Au Burundi, s’il y a des massacres de masse, il ne s’agit pas d’un génocide ethnique, mais plutôt idéologique.
Hutus ou Tutsis, tout le monde est dans le même bateau. Dans l’opposition, on trouve des militants des deux ethnies. Même le Président est mixte (son père est hutu, sa mère tutsie). En revanche, on peut craindre une guerre civile.

Êtes-vous favorable à une intervention extérieure, à laquelle s’oppose fermement le président Nkurunziza ?
Oui, et je pense que la communauté internationale en est capable. Il n’y a aucune volonté de la part du Président d’arrêter les massacres.
Ceux qui sont censés protéger la population la tuent. Le Burundi ne peut pas vivre sans aide extérieure. D’un point de vue économique d’une part, mais aussi politique dans le contexte actuel. Le pays a assez souffert. Il est temps que ça s’arrête, que le peuple avance. Il est temps que le Burundi soit démocratique.

Des charniers ?
Selon Amnesty International, des images satellite montrent cinq probables fosses communes à Bujumbura.
En décembre, un massacre y aurait fait plus de 87 morts.

Journalistes arrêtés
Deux envoyés spéciaux du Monde, Jean-Philippe Remy et Philip Edward Moore, arrêtés jeudi à Bujumbura alors qu’ils rencontraient des opposants, ont été libérés hier.