La MDJ a été ravie d’accueillir, vendredi, la réalisatrice Laurène Lepeytre venue présenter son film « Journalistes vos papiers ! ». Sorti en 2013, le documentaire raconte, à travers trois figures, le parcours de journalistes réfugiés en France dix ans après l’obtention de leur statut. Et l’identité dans tout cela ? Après l’étape douloureuse de l’exil reste celle de la lente intégration dans un pays qu’ils n’ont pas forcément choisi.

Les journalistes de la MDJ accompagnés de la réalisatrice du film, Laurène Lepeytre
Crédits photo : Camille PEYSSARD-MIQUEAU

« L’exil c’est un arrachement, une révolte contre un monde qui ne nous convient plus », Soro Solo, journaliste de Côte d’Ivoire réfugié politique depuis 2003.

« Quand on arrive, en exil, dans un pays dont on ne connait rien, il faut réapprendre à marcher, à vivre le quotidien », Ahmed, journaliste algérien, réfugié politique depuis 2004.

« Je suis une identité qui s’adapte à son environnement […] Néanmoins, j’ai un passé qui fait ce que je suis », Tcheita, journaliste haïtienne, réfugiée politique depuis 2004.

La projection du film a été suivie d’un temps d’échange entre Laurène Lepeytre et les journalistes présents. « Un de mes objectifs pour ce film était de montrer l’absurdité de certaines situations et d’être capable d’en rire » explique la réalisatrice.

Pour voir la bande annonce du film, cliquez ici

 

Rencontre Renvoyé Spécial avec la journaliste Maria KUANDIKA* (Rwanda) au BTP CFA Aude de Lézignan-Corbières (Montpellier), le 15 décembre 2016. 

Les élèves-apprentis lors de la rencontre Renvoyé Spécial
Crédits photos : Sébastien MARTY

Cette rencontre fut l’occasion pour Maria KUANDIKA, journaliste rwandaise et une classe d’apprentis du BTP CFA Aude de Lézignan-Corbières d’échanger autour des notions d’exil, de liberté d’expression, de liberté de la presse et de tolérance. Un témoignage qui n’a pas laissé ces jeunes indifférents.

« Le journaliste doit parler pour ceux qui ne peuvent pas, c’est la voix des opprimés »

« Certains sont payés pour faire de l’audimat et font un travail de mauvaise qualité. D’autres font leur métier par conviction et aident les gens à comprendre le monde »

« J’ai été frappé par l’optimisme de la journaliste qui malgré les événements traumatisants qu’elle a vécu reste forte et garde espoir en l’avenir »

« Je ne m’attendais pas à tant d’émotion de la part de la journaliste, ce témoignage est précieux et riche, de plus, je n’avais jamais entendu parler du Rwanda »

« Je suis assez impressionnée par le travail de la Maison des journalistes, ils sauvent la vie de personnes qui peuvent et devraient être appelées des héros par la hauteur et le danger de leur travail »

« J’aimerais dire à ces journalistes exilés qu’ils ont du courage et de la force et qu’ils sont les bienvenus en France »

Lisez ci-dessous l’article “Une journaliste rwandaise à la rencontre des apprentis de BTP” du quotidien L’indépendant consacré à la rencontre et publié le 23 décembre 2016 : 

« Une journaliste rwandaise à la rencontre des apprentis du BTP »
Source : L’indépendant

* Pseudonyme

Rencontre Renvoyé Spécial avec le journaliste et poète Moneim RAHMA (Soudan) au Lycée Henri Nominé de Sarreguemines (Nancy-Metz), le 13 décembre 2016.

Le journaliste Moneim Rahma à la rencontre des lycéens de Sarreguemines
Crédits photo : Noémie MARCHAISSEAU

Durant cette opération Renvoyé Spécial, Moneim RAHMA a pu transmettre aux lycéens présents l’histoire de son parcours professionnel au Soudan, la violence et les difficultés rencontrées face à l’oppression du pouvoir politique et militaire et la douleur de l’exil loin de ses proches.

Un échange salué par les étudiants comme en témoignent ces retours d’élèves émus par cette rencontre, concernés par la liberté de la presse et exprimant leur soutien aux journalistes exilés  :

« J’ai été frappée par le combat mené par Moneim Rahma pour la liberté de son pays et, aussi, par sa gentillesse. »

« BRAVO ! BONNE CHANCE ! Merci de défendre notre liberté. Vous êtes courageux et vous avez souffert. Alors un grand MERCI pour les défenseurs de notre liberté ! » 

« Ce témoignage nous a informé sur la situation critique d’un pays qui m’était jusqu’alors inconnu. »

« Grâce à la liberté de la presse nous pouvons avoir des manières de penser différentes. »

« La liberté de la presse est un devoir de la démocratie. »

« Les journalistes exilés doivent continuer à faire des articles, des dessins, à écrire des livres pour donner leurs avis et exprimer ce qu’ils pensent. »

Lisez ci-dessous l’article « La vie de souffrance de Moneim Rahma » du quotidien Le Républicain Lorrain consacré à la rencontre et publié le 14 décembre 2016 : 

La vie de souffrance de Moneim Rahma
Source : Le Républicain Lorrain

Pour écouter les podcasts de la rencontre diffusées par Radio Mélodie, cliquez ici

Retrouvez ici le reportage vidéo réalisé par Mosaik sur la rencontre entre Moneim Rahma et les jeunes lycéens.

Retrouvez ci-dessous la galerie photo de l’événement et une sélection de dessins réalisés dans le cadre de l’exposition mise en place par les élèves en préparation de la rencontre Renvoyé Spécial : 

Les 12 et 13 octobre 2016, à Paris, le Forum des Images a accueilli, dans le cadre des Rencontres numériques, la 2ème édition de la rencontre « Education à l’image, aux médias et au numérique ».

Lors de la session « Résidences de journalistes » présentée le mercredi 12 octobre dans l’après-midi, Darline COTHIÈRE, directrice de la Maison des journalistes et Marie-Angélique INGABIRE, journaliste d’origine rwandaise et ancienne résidente de la MDJ sont intervenues pour parler des actions éducatives menées par la MDJ afin de sensibiliser les jeunes aux problématiques de la liberté d’expression et de la presse, de la tolérance et de la laïcité.

Ce fut également l’occasion de revenir sur le projet en collaboration avec la Direction Régionale des Affaires Culturelles (DRAC) de la région Rhône-Alpes-Auvergne pour accueillir un journaliste de la Maison des journalistes en résidence à Bourg-en-Bresse.

Retour sur l’intervention de Darline COTHIÈRE ci-dessous

 

A l’occasion de la publication et de la traduction en français du roman Femme Interdite, l’Humanité accompagne sa critique littéraire d’un entretien consacré à Ali AL-MUQRI, journaliste et écrivain yéménite, ancien résident de la Maison des journalistes. Dans cet entretien Ali AL-MUQRI livre sa vision de l’art de l’écriture et son analyse de la condition des femmes face à l’obscurantisme religieux.

L’occasion pour le journaliste et écrivain d’informer les lecteurs français sur la situation des libertés individuelles au Yémen et de témoigner de la douleur de l’exil :  » je suis certes libre d’écrire, mais je n’y arrive pas. ».

Un portrait tout en nuances d’un homme de lettres, épris de liberté.

Vous pouvez lire l’intégralité de cet entretien sur http://www.humanite.fr/ali-al-muqri-toutes-les-religions-coupent-le-desir-629364 ou télécharger l’article en format PDF ici : Ali al-Muqri, l’Humanité, 29122016.

Texte recueilli par Emanuela Mastropietro et publié par l’hebdomadaire italien Grazia (décembre 2016 : cliquez ici pour télécharger la version originale)

Ci-dessous la traduction de l’italien au français par Lisa Viola Rossi

Maha Hassan (cliquez ici pour lire son profil sur L’oeil de l’exilé) est une écrivaine née dans la ville syrienne submergée par l’urgence humanitaire. Et dans ces jours où les Nations Unies tentent de sauver la population, elle se souvient du jour où elle a perdu sa mère et de la fuite qui lui a donné une nouvelle vie.

Ma mère est morte à Alep le 16 décembre il y a un an. Je ne sais pas ce qu’elle faisait quand un missile a transformé la maison où elle m’avait mise au monde en un tas de gravats. Ma mère, Amina, était une femme pleine de joie, chaleureuse. Peut-être qu’elle préparait du thé pour ses voisins, qu’elle n’a jamais cessé de voir, même sous les bombardements. Quand je l’appelais par téléphone de la France – d’abord de Paris, puis de Brest, où je vis en tant que réfugiée politique depuis 12 ans – elle n’a jamais versé une larme: elle endurait l’enfer et pour moi elle s’efforçait de sourire. Je suis une fille d’Alep. Et aujourd’hui, je suis orpheline. Deux fois orpheline.
Mon pays, je l’ai perdu en 2004. Pour échapper aux persécutions contre la communauté kurde dont je fais partie, à 38 ans, j’ai été forcée de quitter la ville qui m’a vue naître et devenir une adulte, le berceau d’une grande civilisation qui a nourri mon inspiration en tant qu’écrivaine. Mais le cordon ombilical qui me lie à cette terre martyre, il n’a jamais été coupé. C’est le destin de nous les Syriens: il n’y a pas un lieu à l’extérieur de notre pays, qui est fait pour nous. Même quand on a l’impression de pouvoir enfin poser nos valises, nous nous rendons compte que la vie que nous vivions en Syrie, elle s’est collée à notre âme et que nous sommes condamnés à la comparer constamment à la nouvelle vie, à laquelle nous ne pouvons pas nous habituer.

La couverture du livre « Le Métro d’Alep » de Maha Hassan

J’ai essayé de donner corps à ces sensations dans mon dernier roman, Le Métro d’Alep, publié à Beyrouth aux éditions Dar al-Tanweer. Le personnage principal, Sara, fuit la guerre qui a dévasté ce qui, un temps, pouvait se vanter du titre de capitale économique de la Syrie, et elle a trouvé refuge à Paris. Elle passe ses journées à errer dans le métro, sans racines, sans liens, dans les limbes de la mélancolie qui lui empêche de vivre et où le passé et le présent se chevauchent sans cesse. Un jour, quand elle se perd dans un dédale de tunnels et des escaliers mécaniques et quelqu’un lui demande ce qu’elle cherche, Sara lui répond : « La ligne menant à Alep ».

Sara est un personnage fictif, mais elle me ressemble. Le missile qui a tué ma mère et a détruit ma maison, il a fait de moi une sorte de fantôme, un être invisible. Ce jour-là j’ai tout perdu, ma vie est une non-vie.

Si je ferme les yeux et je pense à Alep, je ne peux plus voir la ville de mon enfance et de ma jeunesse, des rues animées du centre-ville, le rassurant brouhaha des cafés. Si je ferme les yeux et je pense à Alep, je vois Berlin en 1945: les décombres, la mort, la désolation. Tout est noir et blanc. La guerre a effacé les couleurs.

J’ai appris hier que le quartier dans lequel se déroule un chapitre de mon roman a été bombardé et il n’existe plus. J’ai perdu mon Alep, mais aussi Sara – mon personnage – elle a perdu le sien. C’est comme mourir deux fois. Que deviendra ma ville? Je ne peux pas répondre. D’une part, je suis convaincue que les blessures ne guériront jamais complètement. La guerre a enlevé un morceau de notre âme.
D’autre part, je refuse de perdre l’espoir. Certains membres de ma famille vivent encore là-bas. Mon frère et ses quatre filles ont survécu au bombardement de leur maison et ils ont trouvé refuge dans la ville universitaire. Un jour, peut-être, mes petits-enfants verront Alep ressuscité, reconstruite, en paix.

J’avais prévu de consacrer mon dernier livre à ma mère. Je voulais la surprendre, mais elle est morte avant que j’aie pu le terminer. Amina était illettrée, elle n’a jamais pu lire une ligne de ce que je publiais, mais elle m’a encouragée, m’a soutenue, elle était fière de moi. Si je continue à écrire, je le fais pour elle, et pour donner une voix à toutes les personnes qui ne peuvent exprimer leur douleur; je suis chanceuse, j’ai l’occasion de témoigner et c’est comme si ma souffrance a un sens. Jamais je ne vais arrêter de le faire : je suis une fille d’Alep, tel est mon destin.